L'éducation sans violence devient loi. Sommes-nous prêts ?

 

La Suisse ancre l'éducation sans violence dans le Code civil – une étape importante qui non seulement protège les enfants, mais reconnaît implicitement que l'éducation est un défi et que les parents ont besoin d'un soutien fiable. Tant que le délai référendaire court jusqu'à la mi-janvier 2026, la date exacte d'entrée en vigueur n'est pas connue. Ce qui est certain, cependant, c'est que cette introduction fait déjà débat aujourd'hui.
 

Le 9 septembre 2025, le Parlement a adopté les compléments à l'Article 302 du Code civil (CC). L'éducation sans violence est ainsi explicitement ancrée dans la loi pour la première fois.
De quoi s'agit-il exactement ? Ci-dessous, le texte de l'article de loi adapté ; les ajouts sont en gras :

  1. Les parents éduquent l’enfant selon leurs moyens et favorisent et protègent son développement physique, intellectuel et moral. Ils éduquent notamment l’enfant sans avoir recours aux châtiments corporels ni à d’autres formes de violence humiliante.
     
  2. Ils doivent lui procurer, même s’il est atteint dans son intégrité physique ou psychique, une formation générale et professionnelle appropriée, correspondant autant que possible à ses aptitudes et à ses goûts.
     
  3. À cette fin, ils collaborent de manière adéquate avec l’école et, lorsque les circonstances l’exigent, avec l’aide publique et les œuvres d’entraide en faveur de la jeunesse.
     
  4. Les Cantons veillent à ce que les parents et l’enfant puissent s’adresser ensemble ou individuellement à des services de consultation en cas de difficultés dans l’éducation.
     

Ce que les parents pensent de la loi adaptée
Les parents accueillent clairement l'idée de base. Un sondage représentatif mené par Protection de l'enfance Suisse montre que 96 % sont d'accord sur le fait que les enfants ont droit à une éducation sans violence. Deux tiers attendent des effets positifs de la loi et 90 % soutiennent les campagnes de prévention et d'information.
En même temps, les chiffres révèlent aussi une incertitude : 36 % craignent des conséquences possibles s'ils « lâchent prise une fois » et 45 % estiment que l'État ne devrait pas trop s'immiscer dans l'éducation (Source : Protection de l'enfance Suisse, Bulletin de résultats 1/22).

Les commentaires de parents dans les médias montrent également que l'introduction de la loi soulève de nombreuses questions. Dans un article du Tages-Anzeiger, une mère décrit le défi ainsi : « Que dois-je faire si un enfant de 2,5 ans bouscule ou se couche sur un bébé ? Comme je n'ai pas le droit de toucher l'enfant plus âgé, comment dois-je le faire descendre de la tête du plus jeune ? » D'autres parents s'inquiètent que les enfants soient « trop chouchoutés » ou qu'il manque des limites claires. Certains y voient un lien avec une perte de respect ou des évolutions sociales.

L'échange au sein de la "Community of Family" de Formation des Parents CH, auquel participent des parents de toute la Suisse, a mis en lumière les questions et préoccupations particulières soulevées par le changement de loi. En voici quelques-unes :

  • La loi provoque un sentiment d'étrangeté et de pression sur les parents.
  • Où commence la violence psychologique ou physique ?
  • Que signifie concrètement la loi et quelle est la procédure en cas d'urgence ? Quelles conséquences sont à craindre ?
  • Il ne faut pas en arriver à un climat de dénonciation mutuelle.
  • Les parents doivent être libérés de la culpabilité et de l'image de la super-maman.
  • La violence peut être un signe de surcharge, il faut faire la distinction.
  • Toutes les professionnelles et tous les professionnels devraient parler le même langage et être informé-e-s de la même manière.
  • Pour les enfants ayant des besoins particuliers, il y a la crainte que certains comportements puissent être mal interprétés comme de la violence.
  • Il est nécessaire de mettre l’accent sur la prévention.

Ces déclarations montrent à quel point le besoin d'orientation est grand.
 

Ce qu'observe le monde professionnel : constatations clés du Réseau Éducation sans violence
Une enquête menée auprès des organisations membres du Réseau Éducation sans violence, soutenu par Protection de l'enfance Suisse, met en évidence le soutien nécessaire :
Les professionnel-le-s identifient le plus grand besoin d'action dans la garantie des ressources et du personnel, ainsi que dans une meilleure visibilité et accessibilité des offres existantes. Une formation parentale renforcée et des mesures de sensibilisation sont également souvent mentionnées.
Au niveau cantonal, les personnes interrogées souhaitent des bases légales claires, une harmonisation des standards et un financement garanti.
Les mesures de soutien jugées particulièrement utiles par les participant-e-s sont les offres de formation parentale à bas seuil, facilement accessibles, ainsi que des supports d'information et de sensibilisation étendus. Ce sont précisément ces offres qui sont considérées comme une condition préalable essentielle pour atteindre les parents précocement et réduire la surcharge.

Ces retours montrent clairement : la formation des parents joue un rôle clé si la loi sur l'éducation sans violence doit devenir effective dans la pratique.
 

Pourquoi la coordination est importante maintenant
En tant qu'association faîtière et professionnelle, nous observons le nombre de questions ouvertes qui surgissent chez les parents et les professionnel-le-s dès qu'il s'agit de la mise en œuvre concrète.
Une préoccupation centrale que beaucoup de parents soulignent : la communication doit être claire, non jugeante et déchargeante. Ils souhaitent que l'introduction de la loi ne conduise pas à des stigmatisations, mais à plus de soutien, dans un langage simple et facile à intégrer dans la vie quotidienne.

Afin que les parents, les formatrices et les formateurs de parents ne soient pas laissés seuls, Formation des Parents CH regroupe des activités, accompagne les développements et est déjà en échange avec les services cantonaux de formation des parents. Les organisations de la formation des parents, les formatrices et les formateurs doivent également être impliqué-e-s dans ce processus. L'objectif est une approche coordonnée à travers les régions linguistiques et les institutions.
 

Réfléchir ensemble
Souhaitez-vous y participer ? Nous invitons cordialement les organisations de la formation des parents, les formatrices et les formateurs à continuer à réfléchir avec nous. Si vous êtes intéressé-e, veuillez nous contacter à info@formation-des-parents.ch.
Ensemble, nous veillerons à ce que la loi ne soit pas seulement un signal, mais qu'elle renforce et soutienne réellement les familles.


Daniela Melone, Directrice Formation des Parents CH

 

Bild: aywan88 auf iStock

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